Discours d’investiture du vice-président de Bolivie M. David Choquehuanca

 

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https://www.youtube.com/watch?v=xLnTJ7WoI10&fbclid=IwAR3KntzLKJ_QHI2kLeQKpLakL4Ui5RPdVXh9KG-QLKK5UpxfkD8g69J9WmE


NOS ANCÊTRES NOUS REJOIGNENT DANS LA DANSE ET NOUS MONTRENT LA VOIE DE LA LUMIÈRE 

MALGRÉ TOUTES LES EXTERMINATIONS QU'ILS ONT SUBI DE LA PART DE LA MONDIALISATION CAPITALISTIQUE DE LA MARCHANDISE.

COMPRENONS, AUJOURD'HUI, C'EST " NOUS " LA DERNIÈRE TRIBU À EXTERMINER DONT LE CAPITAL N'A PLUS BESOIN,

LES INUTILES !!!

 

" Avec la permission de nos dieux, de nos frères aînés et de notre Pachamama​ 1​ , de nos
ancêtres, de nos achachilas​ 2​ , avec la permission de notre Patujú​ 3​ , de notre
arc-en-ciel, notre feuille de coca sacrée.
Avec la permission de nos peuples, avec la permission de tous ceux qui sont présents
et absents dans cet hémicycle.
Aujourd’hui, permettez-moi de prendre quelques minutes afin de partager notre vision
avec vous.
La communication, le dialogue est une obligation, c’est un principe du vivre bien.
Les peuples des cultures millénaires, ceux de la culture de la vie, avons conservé nos
origines depuis la nuit des temps.
Nous, les enfants, avons hérité d’une ancienne culture qui comprend que tout est lié,
sans division ni exclusion.
C’est la raison pour laquelle on nous a dit de nous unir, d’aller ensemble, sans laisser
tomber personne, pour que tout le monde ait tout et que personne ne manque de rien.
Le bien-être collectif est le bien-être individuel; aider nous aide à grandir et à être
heureux; renoncer à quelque chose au profit de son prochain nous renforce. S’unir et
se reconnaître dans le “tout” est la voie du passé, du présent, de demain et de
toujours, cette voie de laquelle nous ne nous sommes jamais éloignés.
L’ayni​ 4​ , la minka​ 5​ , la tumpa​ 6​ , notre colka​ 7 et autres codes des cultures millénaires sont
l’essence de nos vies, de notre ayllu​ 8​ .
Ayllu n’est pas uniquement l’organisation sociétale des êtres humains, ayllu est un
système d’organisation de la vie, de tous les êtres vivants, de tout ce qui existe, de
tout ce qui s’écoule, en équilibre avec notre planète ou notre mère, la terre.

 


1 Pachamama : Terre-Mère.
2 Achachilas : Esprits des aïeux qui protègent la communauté.
3 Patujú : Plante dont la fleur, aux couleurs du drapeau de la Bolivie rouge, jaune et vert, est un
symbole national.
4 Ayni : principe de ​ réciprocité​ et de solidarité générale.
5 Minka : tradition du travail collectif à des fins sociales.
6 Tumpa : protocole d’invitation, d’invocation des esprits sacrés et des défunts.
7 Colka : grand entrepôt où sont stockés des aliments principalement.
8 Ayllu : communauté composée de plusieurs familles dont les membres considèrent qu'ils ont une
origine commune (filiale ou religieuse) qui travaille de façon collective dans un territoire de propriété
commune.

Traduction réalisée par Cristian Saavedra Salomon.
cristian.saavedra@outlook.com 


Des siècles durant, les modèles de civilisation de l’Abyayala​ 9 ont été déstructurés et
beaucoup d’entre eux exterminés, la pensée originelle a systématiquement été
soumise à celle des colons.
Malgré tout cela, ils n’ont pas réussi à nous faire disparaître, nous sommes en vie,
nous venons de Tiwanacu​ 10​ , nous sommes forts comme la pierre, nous sommes
kalawawa​ 11​ , nous sommes Cholke​ 12​ , sinchi​ 13​ , Rumy​ 14​ , nous sommes Jenecherú​ 15​ , le
feu qui ne s'éteint jamais, nous venons de Samaipata​ 16​ , nous sommes le jaguar, nous
sommes Katari​ 17​ , nous sommes les peuples aïnous, maoris, comanches, mayas, nous
sommes guaranis, mapuches, mojos, nous sommes aymaras, quechuas, hopis et
nous sommes tous les peuples faisant partie de la culture de la vie, qui avons réveillé
notre larama​ 18​ , larama qui signifie rebelle emplit de sagesse.
Aujourd’hui, la Bolivie et le monde vivons une transition qui se répète chaque 2’000
ans, le cycle des temps, nous passons de l’intemporel au temporel, amorçant une ère
nouvelle, un autre Pachakuti​ 19​ ​ dans notre histoire.
Un soleil nouveau et une nouvelle expression dans le langage de la vie, où l’empathie
pour l’autre ou le bien collectif remplace l’individualisme égoïste, avec des boliviens
qui se considèrent tous égaux et conscients, et qui savons qu’unis nous valons plus.
Le temps est venu de retourner au Jiwasa​ 20​ , il ne s’agit pas du ‘soi’ mais du ‘nous’.
Jiwasa représente la fin de l’égocentrisme, Jiwasa est la mort de l'anthropocentrisme
et la fin de l’eurocentrisme.
Il est temps de redevenir Jisambae​ 21​ , ce code qui a protégé nos frères et soeurs
guaranis et également Jambae​ 22​ , un être qui n’a pas de maître, personne dans ce
monde doit se sentir maître ou propriétaire de quiconque ou quoi que ce soit. 

Depuis l’année 2006, nous avons entamé en Bolivie un travail exigeant dans le but de
connecter nos racines individuelles et collectives pour redevenir nous-mêmes, nous

9
Abyayala : nom que le peuple Kuna utilise pour se référer aux Amériques.
Tiwanacu : désigne le lieu considéré comme berceau de la civilisation pré-inca du même nom.
11
Kalawawa : transparent, sans rien à cacher.
12
Cholke : graîne incassable, traditionnellement accrochée autour du cou des nouveaux-nés.
13
Sinchi : forts, courageux.
14
Rumy : durs à cuire.
15
Jenecherú : mot d’origine tupiguarani qui signifie « feu qui ne s’éteint jamais »
16
Samaipata : nom du lieu où s’élève le mystique et mystérieux rocher sculpté de Samaipata.
17
Katari : divinité représentée par un serpent ailé, symbolisant la vitalité de l'eau qui irrigue les terres
agricoles et permet l'existence des communautés.
18
Larama : nom donné aux sages, philosophes et scientifiques.
19
Pachakuti : « changement de la terre », arrivée d’un temps nouveau, retour à l’équilibre, à l’égalité
originelle.
20
Jiwasa : un tout, composé de singularités.
21
Jisambae : communication codée qui aida le peuple Guaraní à se protéger
22
Jambae : individu libre, qui n’a pas de maître.


recentrer, revenir à notre taypi​ 23​ , a la pacha​ 24​ , à l’équilibre qui laisse émerger la
sagesse des civilisations les plus importantes de notre monde.
Nous sommes en plein processus de récupération de nos connaissances, des codes
de la culture de la vie, des schémas de civilisation d’une société qui vivait en intime
connection avec le cosmos, la terre, la nature, la vie individuelle et collective, de
construction de notre sumak kamaña​ 25​ , de notre sumajakalle​ 26​ , garantissant ainsi le
bien-être individuel et commun.
Nous sommes en période de récupération de notre identité, notre racine culturelle,
notre sake​ 27​ . Nous avons cela, nous avons une philosophie, une histoire, nous avons
de tout, nous sommes des êtres humains et nous avons des droits.
Une des références inébranlables de notre civilisation est la sagesse héritée des
connaissances liées à la terre, garantir l’équilibre en tous temps et espace. C’est
savoir comment gérer toutes les énergies complémentaires, celle cosmique venant du
ciel avec celle qui émerge du centre de la terre.
Ces deux forces telluriques interagissent en créant ce qu’on appelle la vie, un ‘tout’
composé de ce qui est visible, Pachamama et spirituel, Pachakama​ 28​ .
En appréhendant la vie du point de vue des énergies, nous avons la possibilité de
modifier notre histoire, la matière et la vie, telle la convergence de la force
chachawarmi​ 29​ lorsque l’on se réfère à la complémentarité des opposés.
Les temps nouveaux que nous commençons seront soutenus par l’énergie de l’ayllu,
la communauté, les consensus, l’horizontalité, les équilibres complémentaires et le
bien commun.

Historiquement, on entend la révolution comme un acte politique pour changer la
structure sociale, pour ainsi transformer la vie de l’individu, aucune des révolutions n’a
réussi à modifier la conservation du pouvoir pour maintenir le contrôle sur les
personnes.
Il n’a pas été possible de changer la nature du pouvoir, cependant le pouvoir, lui, a
réussi à déformer l’esprit des politiciens, il a pu les corrompre. Il est très difficile de
modifier l’influence du pouvoir et de ses institutions mais c’est un défi que nous
relèverons avec la sagesse de nos peuples. Notre révolution est une révolution des
idées, elle est une révolution des équilibres car nous sommes convaincus que pour


23 Taypi : noyau ou centre de la terre, point de rencontre des forces positives et négatives, lieu où les
opposés, l’antagonisme coexiste.
24
Pacha : terre, cosmos, univers, temps et espace.
25
Sumak kamaña / vivir bien : concept du vivre bien.
26
Sumajakalle : action de garantir le bien individuel et le bien collectif ou communautaire.
27
Sake : racine culturelle.
28
Pachakama : univers spirituel, en complément à Pachamama.
29
Chachawarmi : complémentarité des opposés, dualité et harmonie.


transformer la société, le gouvernement, la bureaucratie, les lois et le système
politique, nous devons nous transformer en tant qu’individus.
Nous allons promouvoir les conjonctions avec l’opposition afin de chercher des
solutions entre la gauche et la droite, la jeunesse rebelle et la sagesse des anciens,
entre les limites de la science et la nature sans faille, les minorités créatives et les
majorités traditionnelles, entre les malades et ceux qui ne le sont pas, les gouvernants
et les gouvernés, entre leadership et don de soi pour servir les autres.
Notre vérité est très simple, le condor prend son envol à la seule condition: que son
aile droite soit en parfait équilibre avec son aile gauche. La tâche de nous former pour
devenir des êtres équilibrés a été brutalement interrompue il y a des siècles de cela.
Nous n’avons pu la mener à bien mais à présent l’heure de l’ère de l’ayllu, la
communauté, est arrivée et est avec nous.
Cela implique que nous soyons des individus libres et équilibrés pour construire des
relations harmonieuses avec les autres et notre entourage, il est urgent que nous
soyons des êtres aptes à maintenir les équilibres pour soi et la communauté.
Nous sommes à l’époque des frères de la apanaka pachakuti​ 30​ , nous ne luttions pas
seulement pour nous mais aussi pour eux et surtout pas contre eux, nous luttions pour
obtenir un mandat. Nous ne cherchions pas l’affrontement, au contraire, nous
cherchions la paix. Nous n’appartenons pas à la culture de la guerre, ni de la
domination, notre lutte vise toute tentative de soumission et combat la pensée unique
coloniale, patriarcale, qu’elle vienne d’où elle vienne.
L’idée de la rencontre entre l’esprit et la matière, le ciel et la terre, Pachamama et
Pachakama, nous permet de penser qu’une femme et un homme nouveaux puissent
guérir l’humanité, la planète et la sublime vie qui la composent, pour rendre la beauté
à notre terre-mère.

Nous défendrons les trésors sacrés de notre culture face à toute ingérence, nous
défendrons nos peuples, nos ressources naturelles, nos libertés et nos droits.
Nous retournerons à notre Kapak Ñan​ 31​ , le noble chemin vers l’unité, la voie du
respect envers nos autorités, pour nos soeurs, le chemin du respect pour le feu, la
pluie, le respect de nos montagnes, nos rivières, notre mère la terre, le chemin vers le
respect de la souveraineté de nos peuples.
Frères et soeur, pour conclure, les boliviens devons surmonter la division, la haine, le
rascisme, la discrimination entre compatriotes, finissons-en avec la persecution de la
liberté d’expression et la judiciarisation de la politique.



30 Apanaka pachakuti : comprenez les frères de l'opposition politique.
31 Kapak Ñan : Voie véritable, le juste chemin. Aussi employé pour désigner le fameux réseau de
routes qui traversait l’empire Inca.


Finissons-en avec l’abus de pouvoir, celui-ci doit être employé pour aider, le pouvoir
doit circuler, comme l’économie, il doit être redistribué, il doit circuler, s’écouler,
comme le sang s’écoule dans notre organisme. Plus d’impunité mais justice, frères et
soeurs.
Mais la justice doit véritablement être indépendante, mettons un terme à l’intolérance,
à l’humiliation et la violation des droits humains et de la terre-mère.
Le temps nouveau signifie être à l’écoute du message de nos peuples et qui a été émi
du fond de leurs coeurs, cela signifie guérir des blessures, nous regarder avec
respect, récupérer la patrie, rêver ensemble, construire la fraternité, l’harmonie,
l’intégration et l'espoir afin de garantir la paix et le bonheur des générations à venir.
C’est uniquement de cette manière que nous atteindrons le vivre bien et la
gouvernance par nous-mêmes.

Vive la Bolivie!
Jallalla​ 32​ !  "

32 Jallalla : Vive!


David Choquehuanca
Vice-président de l ́État plurinational de Bolivie


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